LES ACCORDS DE NICOLAS ROCHÉ
Mon premier grand accord – Sushi Sho – Tokyo
Le plat : Nigiri de foie gras poêlé, gelée de son jus
L’accord :
« Un kijoshu (l’eau de dilution lors du processus fermentaire est remplacée par du saké) vieilli en fût. On retrouve un côté vieux sauternes sur la sucrosité et les notes d’évolution, également servi sur des températures plus élevées. Un accord fabuleux parce que l’on retrouvait ce côté légèrement sucré qui enrobe le foie gras. Mais à la différence du sauternes, on n’avait pas cette acidité qui peut être dérangeante. Quelque chose de très crémeux en bouche, avec le riz qui venait compléter la fin de bouche sur le sotolon qui s’exprimait, rappelant certains grands Oloroso. Souvent, je vais me dire que le saké fait des accords de politesse, et on était vraiment dans cet aspect : les deux s’entendaient parfaitement en texture et en goût. Par-dessus tout, la surprise de la versatilité des sakés et des différents styles qui m’a mis le pied à l’étrier pour en savoir plus sur les sakés. »
La première création – Sofia BeSO – Barcelona
Le plat : Lièvre à la royale, mousse de betterave
L’accord :
« Ce qui est intéressant avec le saké quand on crée des accords avec des plats, je pense que comme les connaissances sont moindres, au début, on se laisse facilement transporter par les arômes : nous avons moins de préjugés. C’est-à-dire : je sens un vin blanc, je me dis : je vais aller sur ce type de plat ou celui-ci parce que je sais que ça marche. Comme le saké, et j’avais moins de connaissances à cette époque, c’était le saké qui venait me dire avec quoi il peut aller. Donc, on a mis le nez dans le saké et ça sentait le cacao à plein nez, le cacao torréfié/coques de cacao. On était sur un saké 3U “undiluted, unfiltered, unpasteurized” assez aromatique et très puissant. On était en plein hiver, le chef Ivan Cruz travaillait sur un lièvre à la royale et on sait que dans le lièvre à la royale, on peut ajouter un peu de chocolat noir, ça permet de lier la sauce et de donner des notes d’évolution au plat. En conclusion, c’est la boisson qui a créé l’accord, car je n’avais aucun préjugé et je voyageais à l’aveugle grâce à la science aromatique d’harmonies moléculaires. »
L’accord de la simplicité – À la maison
Le plat : Pommes de terre rattes de Noirmoutier au beurre demi-sel
L’accord :
« Masumi sparkling sake, dans la préfecture de Nagano, reconnu comme l’un des grands sakés pétillants. J’ai trouvé cet accord fabuleux avec un plat simple d’une pomme de terre avec du beurre demi-sel ; parfois, il ne faut pas beaucoup plus pour faire des accords. Les bulles allégeaient le plat, la texture de la pomme de terre devenait presque aérienne et la pointe salée du beurre rehaussait l’umami du saké. En parallèle, le côté fermentaire du beurre et l’amidon de la pomme de terre venaient épouser le saké.
J'avais beaucoup de mal à trouver du vin sur cet accord. Mais on dit : le saké est l'opposé du
vin ; en général, là où le vin ne va pas, le saké va ! Il nous montre sa versatilité et comment on peut aller sur des choses complètement folles. »