NOUVELLES TENDANCES CHEZ LES SAKÉS JAPONAIS

L’Agence nationale de revenu du Japon rapporte que la consommation annuelle de saké a décliné de façon continue au cours des sept dernières années au pays. L’an dernier, elle était de 7 % inférieure à celle de l’année précédente. On retrouve plus de 1300 brasseries de saké nippones, mais en raison de la baisse de consommation, ce nombre est aussi en diminution.

Afin de survivre en demeurant compétitives dans le marché actuel, la plupart des brasseries de saké ont dû s’adapter, produisant leur saké régulier et une nouvelle variété, créée explicitement pour satisfaire autant les amateurs que les non-amateurs. Chaque maison adopte une approche unique dans l’élaboration de ses sakés. Règle générale, six tendances se distinguent à l’heure actuelle pour la production de saké : 

  1. utilisation d’un riz à saké unique
  2. ratio élevé de polissage du riz
  3. choix d’une levure originale
  4. kioke (utilisation de barriques)
  5. vieillissement en barriques de chêne
  6. elaboration de sakés d’assemblage

La majorité des brasseries de saké utilisent au moins une de ces tendances de pointe pour créer leurs sakés nouveau genre.

Je prédis qu’une septième tendance deviendra bientôt populaire. Appelée « Moto Shibori » (shibori signifie « presser » en japonais), elle consiste à créer un saké à partir d’une levure de démarrage. 

Fondée à Osaka en 1886, l’Akishika Sake Brewery produit le Moto Shibori. À ma connaissance, il s’agit de la seule brasserie à élaborer ce type de saké. Akishika Sake Brewery cultive d’ailleurs son propre riz biologique à saké. La brasserie pratique aussi ce qu’elle appelle « l’agriculture biologique orientée vers le recyclage » et elle n’ajoute pas d’alcool distillé à son saké.

Le moto est le stade initial du brassage consacré au développement des levures issues des moisissures nobles qui permet de produire de l’alcool ; il s’agit de l’objectif visé par la fermentation moromi. Le moromi est le moût final qui est mélangé au riz étuvé, au koji et à l’eau.

Puisque la qualité du saké est liée de près à celle de la levure, la manipulation de la levure de démarrage a longtemps été considérée essentielle dans l’art de l’élaboration du saké. Selon la Society for Nada Sake Research, l’objectif de développer d’importantes quantités de levure à saké pures et de qualité supérieure à l’étape du shubo demeure toujours aussi important. 

Ainsi, le fait pour l’Akishika Sake Brewery de cultiver son propre riz doté de caractéristiques uniques permet d’obtenir un moto exceptionnel. Par ailleurs, l’élaboration de ce saké est très simple.

Comme je le mentionnais, la technique de fabrication consiste simplement à presser le moto (la levure de démarrage, aussi appelée « shubo ») et de l’embouteiller. Le rôle du moto consiste habituellement à lancer le sandanjikomi (la fermentation en trois étapes) ; celle-ci déclenche à son tour le processus de fermentation alcoolique, au bout duquel on obtient un contenu en alcool variant entre 14 % et 16 %. Étonnamment, ce saké Moto Shibori montre d’impressionnants chiffres au SMV (nihonshudo ou Sake Meter Value), de même qu’un bon niveau d’acidité et d’acides aminés, puisque le moto est pressé avec les sucres fermentescibles restants.

Les chiffres fournis par l’Akishika Sake Brewery nous offrent les informations suivantes à propos de son Moto Shibori 2020 :

  • SMV (Sake Meter Value) : -77
  • niveau d’acidité : 9.5
  • acides aminés : 3.3
  • taux de polissage du riz : 70 %
  • riz à saké : Yamada Nishiki
  • Taux d’alcool : 8 %

Le goût est unique, à la fois riche, généreux et complexe. Ce saké possède une sucrosité naturelle apportée par la fermentation et son haut niveau d’acidité est rafraîchissant. De plus, sa saveur distinctive convient bien à différents types de plats et d’ingrédients, particulièrement l’oursin, qui offre un mariage unique avec le saké Moto Shibori. Enfin, son bas pourcentage d’alcool le rend digeste, facile à boire.

En conclusion, on peut dire que l’un des principes de base dans la création d’une nouvelle tendance dans le monde du saké consiste à offrir une boisson facile à boire, qui se marie bien avec les mets et peu alcoolisée. J’espère qu’on verra ce type de produit gagner en popularité auprès des producteurs. Mais comme seul le moto ou shubo (levure de démarrage) est utilisé pour élaborer le saké Moto Shibori, les rendements demeurent forcément limités. De nouveaux standards sont donc souhaitables afin de pouvoir créer le saké Moto Shibori en plus grande quantité, ce qui permettrait de maintenir, voire d’augmenter, la consommation de saké.